Contrats de performance

Dans un contexte de crise mondiale fortement marqué par la pandémie du Covid-19, les Etats africains, pourtant plus fragiles, semblent accuser un moindre coût des effets de la crise que la plupart des pays occidentaux.

En ce qui le concerne, notre pays semble réussir, du moins pour l’instant, le pari de limiter les impacts négatifs de cette crise tant sur les vies humaines que sur l’économie nationale : moins de 373 décès enregistrés sur plus de
30 256 cas confirmés au 30 août 2021 (source ANSS), une croissance résiliente stabilisée de 7% en 2020 (mission de Consultation du FMI au titre de l’Article IV), un taux d’inflation de 12,2% en glissement annuel à fin juin 2021 (tableau de bord de l’Economie guinéenne), etc.

En matière de mobilisation de ressources, les derniers rapports indiquent, pour l’année 2020, que 85% des prévisions de recettes ont été recouvrées (rapport budgétaire 2020) par le Trésor public.

Un aperçu historique des réalisations de recettes par l’Administration fiscale affiche une tendance globalement préoccupante au regard des enjeux et projets de développement. C’est conscientes de ces défis que les plus hautes autorités ont, dès février 2021, impulsé une nouvelle dynamique – nécessaire, faut-il le rappeler – sur cette question de mobilisation de ressources, notamment par la signature des contrats de performance et pactes de doublement de recettes entre les trois régies de recettes que sont la Direction Générale des Douanes, la Direction Générale des Impôts et la Direction Générale du Trésor et de la Comptabilité Publique et leurs tutelles respectives à savoir le ministère de l’Economie et des Finances et le ministère du Budget.

Les principales caractéristiques de ce cadre de performance sont les suivantes :

  • Les régies de recettes et leurs tutelles s’engagent réciproquement, et solennellement, sur l’atteinte d’objectifs quantitatifs et qualitatifs.
  • L’objectif principal est le doublement des recettes réalisées en 2020 à l’horizon 2022, c’est-à-dire passer de 18 à 36 000 Mds GNF toutes régies confondues.
  • En contrepartie de quoi, les tutelles administratives s’engagent également sur un certain nombre de mesures d’accompagnement au nombre desquelles la mise à la disposition desdites régies des moyens
    matériels et financiers nécessaires pour l’accomplissement de leurs missions.
  • Les objectifs sont déterminés en tenant compte des spécificités de chaque régie.
  • Les performances et contreperformances évaluées tous les trimestres peuvent respectivement donner lieu à des sanctions positives ou négatives.

Pour les besoins de suivi, le ministère du budget, pour ce qui concerne les recettes collectées par la
direction générale des impôts et la direction générale des douanes, a mis en place un comité interne de suivi qui, début août, d’après une communication du département, a présenté au ministre les données de recettes réalisées par régie et portant sur la période Mars – Mai 2021.

En revanche, du côté du ministère de l’économie et des finances, tout porte à croire qu’un tel dispositif
n’aurait pas été mis en place pour faire le suivi, probablement pour des raisons valables.

Cependant, plus d’un semestre d’exécution après signature des contrats de performance, il parait désormais important d’en faire un premier bilan complet, actualisé, par régie puis de façon consolidée, des performances enregistrées depuis le début de l’année jusqu’à fin août. Un tel exercice
ne devrait pas être impossible à faire au vu de l’organisation définie au Budget et au Trésor pour la
remontée mensuelle des données de recettes par les régies. Dans le cas contraire, l’indisponibilité des
données quantitatives et qualitatives rendra très difficile, voire impossible, l’évaluation objective et détaillée des performances.

Cela étant, les informations fournies par le ministère de l’économie et des finances laissent supposer une
certaine contreperformance des régies à fin juin 2021 par rapport aux objectifs du cadre de performance, ce malgré une hausse globale des recettes fiscales et non fiscales par rapport à la même période en 2020. Il nous parait, dès lors, nécessaire, voire urgent, d’orienter la stratégie sur deux axes principaux, à savoir accélérer l’effectivité des réformes fiscales en général et la digitalisation de l’administration fiscale en particulier, et améliorer le dispositif de suivi-évaluation en y associant, par exemple, des ressources externes pour plus d’objectivité.

Dans les deux cas, au-delà des retombées possibles d’une telle orientation en termes de respect des
principes de bonne gouvernance de nos finances publiques, la MAMRI dont ce sont également les
missions doit, désormais, pouvoir jouer un rôle important dans cet exercice. A titre d’information, la MAMRI a conçu à cet effet une matrice de suivi et d’évaluation.

La responsabilité de la mobilisation des ressources n’incombant pas qu’aux seules régies de recettes, la
non-atteinte des objectifs, si jamais cette tendance défavorable venait à se confirmer, ne saurait leur
être imputée de façon exclusive mais ce serait plutôt l’échec de l’ensemble de la machine administrative. Il devient impératif pour les nouvelles autorités, compte tenu des enjeux de financement du développement sur le court et moyen terme, de remobiliser les troupes en soutenant et renforçant cette dynamique impulsée en début d’année.